Après un an d’existence à Dijon, il semble opportun de faire un rapide bilan de l’implantation de la société TELETECH au vu de ce qui avait été annoncé en termes d’emplois et d’investissement fait par la collectivité Publique pour les favoriser.
Faut il rappeler qui est Teletech ?
Cette société qui existe depuis 1993 s’est développée en exploitant des centres d’appels pour de gros donneurs d’ordres.
Du fait des évolutions lourdes de ce marché, elle a cherché à développer ses activités en alliant prestations informatiques et relation client. Teletech a plusieurs implantations en France (TOUCY, SAINTE AFFRIQUE, LAVAL, DIJON… et aussi RABAT)[1].
Bien que le chiffre d’affaires ait connu une croissance entre 2011 et 2012 son bénéfice passe de 298 000 € en 2011 à une perte pour 2012 de 325 000 €. Dans ce secteur extrêmement concurrentiel, nous notons une forte baisse des marges.
Sa stratégie est axée sur les grands comptes (TOTAL, SFR, RATP) ce qui présente un avantage, mais aussi un inconvénient majeur quand la société perd un contrat. Exemple la gestion du PASS NAVIGO pour le compte de la RATP a été perdue par TELETECH au profit d’un centre d’appels offshore[2]. De plus ces gros donneurs d’ordres, exerçant une forte pression sur les prix et donc sur les marges, via leurs appels d’offres, accentuent inexorablement le mouvement de délocalisation.
Car les évolutions de ce secteur d’activité ne sont pas franchement porteuses :
– Délocalisations massives de centre d’appels vers des pays francophones (Tunisie, Sénégal, Madagascar) ou le coût du travail est plus faible (salaire horaire de 18 € contre 30 € en France environ).
– Possibilité de travailler le soir, le week-end et jours fériés, période plus propices pour le démarchage commercial …période plus propices pour le démarchage commercial …sans surcoût important ni limites imposées par le droit du travail français
– Automatisation de plus en plus poussée (remplacement du contact téléphonique par un script sur Internet)
Tous ces éléments posent la question : ce secteur est-il un secteur d’avenir en France ?
Au vu de ces éléments avérés et non contestables, on est en droit de s’interroger sur l’objectif de 600 emplois annoncés par le maire de Dijon soit 150 emploi par an pendant 4 ans et confirmé par son PDG à un horizon de 5 ans.
Il est tout à fait louable de vouloir développer un emploi de qualité avec des collaborateurs motivés, impliqués et fidélisés. Même si la société vise un segment de marché de niche (et encore une fois sans doute à juste titre). A l’heure où tous les telé-opérateurs délocalisent, ou licencient, comment espérer créer autant d’emplois rentables et pérennes ?
La stratégie d’un entrepreneur privé, ne doit pas s’établir uniquement au vu de la très forte contribution des fonds publics pour cette opération.
Dans quelles conditions s’est elle implantée à DIJON ?
Teletech s’est implanté à DIJON suite à la décision d’Unilever de fermer son usine « historique » du Quai Nicolas ROLLIN et de rapatrier les personnels hautement qualifiés (chercheurs) sur son centre de recherche en Région Parisienne.
Les salariés ont été reclassés pour partie dans l’Usine de Chevigny Saint Sauveur et d’autres sur le site de FM logistique à Fauverney (avec la aussi un coûteux dispositif d’accompagnement de la Région)
On peut déplorer le départ d’emplois très qualifiés en adéquation avec le positionnement de Dijon (Agro-alimentaire, Gastronomie) au profit d’emplois moins qualifiés (logistique par exemple).
Il est évident que si Dijon avait présenté un réel potentiel en termes d’attractivité, Unilever n’aurait pas pris le risque de produire la mayonnaise de Dijon ailleurs que sur Dijon et de fermer ce site.
Mais ceci est une autre histoire….
Le Grand DIJON a donc incité Teletech à venir à DIJON (après une compétition acharnée avec d’autres sites nous dit-on) avec la promesse d’embaucher 600 personnes en contrepartie d’aides publiques.
De quelles aides a-t’elle bénéficié ?
En effet, pour installer ce centre d’appel, TELETECH a bénéficié de la participation financière de toutes les collectivités: (ETAT, DEPARTEMENT, REGION, EUROPE…)
Le rachat du site à UNILEVER a coûté 2,5 M € auquel il faut ajouter environ 4M € de travaux pour adapter le site aux exigences de cette nouvelle activité.
Soit un total de 6,5 M € !
Une partie a été financée par des subventions publiques (2,5 M€) et le reste par la SPLAAD qui a porté le projet.
En contrepartie, par le biais d’un crédit bail sur 15 ans, TELETECH loue les locaux pour 61 € du m² soit un loyer annuel de 366 000 €.
A l’issue du crédit bail l’entreprise pourra exercer son option d’achat et devenir propriétaire du bâtiment.
Un rapide calcul permet de constater qu’elle fera une très bonne affaire: (366 000 € X 15 ans = 5 490 000 € auquel il faut bien sûr ajouter l’option d’achat, mais celle ci est souvent symboliquement chiffrée à 1 € dans ce type de montages)
Il faut aussi ajouter une subvention du Conseil Régional de 500 000 € pour le mobilier ergonomique (spécialement crée pour TELETECH par des designers) ainsi qu’une aide de 3100 € par salarié au titre de leur formation. [3]
Nous sommes donc à plus de 7 M€ de subventions publiques pour……..39 emplois après un an. Nous sommes bien loin des 150 emplois par an.
A 180 000 € environ la création d’emploi, devons-nous l’accepter ?
Plus préoccupant est le rôle de la SPLAAD dans tout cela :
Comme AUCUNE BANQUE n ‘a visiblement souhaité financer le dossier, c’est la SPLAAD qui porte le projet (d’où le crédit-bail)
C’est extrêmement dangereux pour plusieurs raisons :
– la SPLAAD n’est pas spécialiste de ce genre de montage, nous ne sommes pas certain qu’il soit exempt de risque. En déficit depuis sa création la SPLAAD a du être recapitalisé cette année par le contribuable Dijonnais et peut-être faudra-t-il faire à nouveau face à de nouveaux engagements…
– en cas de défaillance de l’entreprise, la SPLAAD se retrouvera avec un immeuble difficilement utilisable en l’état, ce qui entraînera une perte et des travaux pour revendre ou louer ce bâtiment.
– à l’inverse Teletech devrait faire à terme une excellente affaire immobilière (voir plus haut)
– on peut enfin s’étonner de la participation, directe ou indirecte, de la SPLAAD au financement de la cérémonie d’inauguration[4]. Est- ce le rôle d’une collectivité d'offrir champagne et petits fours ? (la Chambre Régionale des Comptes s’est déjà exprimée sur les dérives de la SEMAAD en la matière, devra-t-elle de nouveau le faire pour cet établissement).
Pour finir on est en droit de s’interroger sur le sens de cette opération peu créatrice d’emplois et coûteuse pour la collectivité :
Le montage de l’opération fait supporter la presque TOTALITE du risque par la collectivité et non à l’entrepreneur. Dans le schéma classique de la théorie économique, l’entrepreneur est celui qui prend des risques. Le bénéfice retiré de son activité doit rémunérer sa prise de risques.
Dans cette opération on peine à voir où est le risque pour l’entrepreneur, nous appréhendons très bien son bénéfice par contre ……
[1] Source Site Internet TELETECH
[4] http://www.teletech-int.com/1904-inauguration-de-teletech-campus-centre-dappels-nouvelle-generation-le-jeudi-24-mai-a-dijon
Comité de rédaction Impôts-cible
Tagged: Franck Ayache, maire de Dijon, SPLAAD, Teletech
J ai passe un moment agreable a vous lire, un enorme compliment bien pour cette bonne lecture.